« L’autel, c’est le Christ », affirmait au IVe siècle saint Cyrille d’Alexandrie.
L’Église ne pense pas autrement quand elle fait dire au Pontife lors de la monition de l’ordination au sous-diaconat : « Car l’autel de la Sainte Église, c’est le Christ lui-même, saint Jean l’affirme en nous disant dans son Apocalypse avoir vu devant le trône de Dieu un autel d’or sur lequel et par lequel les offrandes des fidèles sont présentées à Dieu le Père. »
Un autel unique : le Christ
Derrière cette affirmation se trouve le fait que lors de la Passion, le Christ fut son propre autel puisque son sang précieux coula sur son propre corps. Et de là vont découler tout un ensemble de rites liturgiques que l’on ne peut comprendre qu’en ayant assimilé que derrière l’autel, l’Église voit toujours le Christ.
C’est ainsi que sur chaque autel sont gravées cinq croix : une au centre, quatre autres aux quatre angles, représentant les cinq plaies du Christ. L’autel également (ou la pierre d’autel qui en tient lieu) est toujours en « pierre » et non en bois, car comme le dit saint Paul, « petra autem erat Christus » (1 Co 10, 4) – « La pierre était le Christ ».
L’autel dans la liturgie : honoré comme le Christ
N’est-ce pas également parce que « l’autel, c’est le Christ », qu’il est encensé solennellement par deux fois au cours de la messe ? Ou encore qu’il est dépouillé le jeudi saint, comme le Christ lors de sa Passion fut dépouillé de ses vêtements sur la croix ?
Liturgiquement toujours, dans la liturgie traditionnelle, quand le prêtre bénira le diacre avant l’évangile pour qu’il puisse aller proclamer la bonne nouvelle du salut (ou quand encore il bénira l’encens) : il accomplira le signe de la croix de la main droite sur le diacre ou sur l’encens, la gauche étant posée sur l’autel ; montrant ainsi que la puissance de toute bénédiction vient du Christ. Avant de donner la paix à la messe solennelle, ou encore avant de saluer le peuple au nom de Dieu (avant de se retourner pour les « Dominus vobiscum »), le prêtre commencera toujours par baiser l’autel, prenant « du Christ » cette paix et cette salutation qu’il donnera aux fidèles. Le diacre dépose encore aujourd’hui l’évangéliaire sur l’autel, empruntant, disent les commentateurs, la parole du Christ au Christ lui-même.
Hors de la messe : vénéré comme le Christ
« L’autel, c’est le Christ » explique également pourquoi il existait jadis une véritable vénération de l’autel ; selon saint Jean-Chrysostome déjà, les fidèles touchaient l’autel pour faire leur serment ; jurer ainsi, c’était prendre le Christ lui-même à témoin, lui que l’on touchait en mettant sa main sur l’autel. De la même manière, le chevalier, pour signifier son engagement à défendre l’Église, déposait son épée sur l’autel. La même chose était observée pour le sacre des rois.
L’autel jouissait aussi du droit d’asile. Saint Ambroise refusera ainsi de se cramponner à l’autel pour sauver sa vie. Quand plus tard l’atrium et l’Église tout entière jouiront des mêmes droits que l’autel autrefois, le code Théodosien de 431 affirmera que ces lieux sont devenus « l’autel du salut ». Le profès, dans l’ordre bénédictin, signe sa profession « sur l’autel », et elle y reste pendant la messe. On se mariait encore, selon l’expression, « devant l’autel » pour signifier qu’on se mariait devant Dieu.
Notre dévotion : visiter les autels
Quelle conclusion tirer de tout cela ? Approfondir notre respect pour l’autel ; pour ne pas dire notre « dévotion » pour l’autel.
Il existait jadis une dévotion consistant à visiter les autels. On la trouvait en particulier dans les monastères et on la fait remonter (au moins) à saint Benoît d’Aniane (mort en 821). Acte de piété et de foi, non pas seulement pour les reliques présentes dans l’autel, mais pour le Christ que l’autel représente. On peut voir encore aujourd’hui en certains pieux monastères les moines, le soir après l’office des Complies, se rendre devant l’autel où ils célèbreront la messe le lendemain. Saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry (mort en 1170), fit ainsi selon son habitude le tour des autels de sa basilique, en allant s’agenouiller devant chacun d’eux, le matin même de sa mort. Et c’est durant cette occupation qu’il fut assassiné. Un bel exemple de foi à méditer et peut-être à imiter.